2006, île perdue
Pour la deuxième fois de sa longue existence, elle se retrouvait prisonnière, prisonnière pour l’éternité… Non, elle était parvenue une fois à se libérer, elle réussirait tout aussi bien une deuxième fois. Combien de temps attendrait-elle ? Combien de temps avait-elle déjà attendu ? Difficile à dire, cela pouvait se compter en heures, en jours, en mois, en années et même en siècles. Et dire qu’elle avait été si près du but, si près de fonder le septième âge… Toute divine qu’elle était, elle ne pouvait rien faire coincer ici dans la pyramide ! Il n’y avait plus qu’à attendre l’arrivée d’une catastrophe naturelle… Seulement la nature n’était pas sa grande alliée, non, il fallait plutôt compter sur la médiocrité de la race humaine ! Cette race stérile et malade qui ne devait sa survie qu’à quelques imprévus… Tôt ou tard, cette erreur serait rectifiée, elle y veillerait personnellement. Son armée ayant été anéantie, elle avait besoin d’une nouvelle arme pour parvenir à ses fins. Et cette arme, elle savait pertinemment où la trouver. Cette mésaventure lui avait appris une chose : même le plus insignifiant des êtres pouvait se révéler dangereux lorsque l’on menaçait sa misérable vie. Lors de sa dernière confrontation avec l’humanité, elle avait eut l’agréable surprise de constater qu’il n’y avait pas que des êtres médiocres. Non, il y en avait des mortels qui auraient pu siéger au triumvirat et notamment une mortelle. Cette même mortelle qui avait défait tous ses projets… Tous ? Non, ça c’est ce qu’elle croyait… Sa réaction serait éloquente lorsqu’elles se reverraient. Malgré la situation actuelle, cette idée ne pouvait que la réjouir ! Bientôt un de ses pions entrerait magistralement dans cette ultime partie d’échec. Et quelle entrée ! Le fou du roi en personne ! Où plutôt devrait-elle dire la folle de la reine ! Cette mortelle qu’elle avait rencontrée lorsqu’elle se faisait passer pour une « dirigeante » dans leur monde. Devoir se mêler à cette vermine humaine n’était pas une de ses passions mais pour le bien de sa manœuvre, la démarche avait été nécessaire. C’était d’ailleurs pendant l’un de ces diners mondains qu’elle avait eu l’occasion de rencontrer sa future alliée. Alliée n’était pas le terme adéquat, il était plutôt question de serviteur. Dans tous les cas, elle s’était étonnée de voir une jeune femme aux bras de cet idiot de fils à papa. Non pas que sa plastique ne soit pas attirante, mais plutôt qu’il avait autant d’esprit qu’un roc. Elle avait vu au premier coup d’œil que cette jeune femme avait quelque chose d’atypique. Il y avait dans son regard bleu ciel, à la fois une naïveté incroyable et une lueur d’une noirceur exquise. Elle avait compris qu’elle n’était pas de ce milieu, à sa façon d’observer toutes les œuvres d’art du hall de réception, nul doute qu’elle était intéressée par l’histoire. Ce n’était pas un intérêt motivé par le savoir mais plutôt par une croyance mystique… De plus en plus intriguée par la jeune femme, elle avait fait en sorte de croiser délibérément le chemin de l’aristocrate pour que les présentations aient lieu. Avec son air arrogant il s’était mis à parler de la société de son père et des transactions entre leurs deux sociétés. Elle avait écouté d’une oreille lointaine ses pathétiques jérémiades avant de bifurquer intelligemment sur l’avenir de sa famille. Il avait alors passé un bras autour de la taille de la jeune femme comme s’il brandissait un trophée avant de répondre fièrement : « Il est entre de bonnes mains avec Amanda ». Cet idiot empêcherait toute conversation ! Agacée par sa présence, elle avait fait en sorte de provoquer le destin, rien de tel qu’un verre qui se brise dans la main de son porteur… Une fois James hors de vue, elle avait tendu une main déterminée vers la jeune femme.
- Jacqueline Natla, de Natla technologies bien évidemment.
- Amanda Evert…
Lorsqu’elle avait serré la main de la fameuse Amanda, elle lut en elle comme dans un livre ouvert : une enfance difficile, de brillantes études, l’université, l’accident au Pérou, l’entité… Amanda avait lâché prestement sa main pour venir enserrer la pierre à tête de crane qui ornait son cou. A cette occasion Natla avait compris que cette créature des temps anciens avait une certaine emprise sur sa porteuse et que leurs rapports étaient fusionnels.
- J’ai cru comprendre que vous aviez fais des études d’histoire ?
- C’est exact
- Une spécialité particulière ?
- La théologie
- C’est un bien vaste domaine… Dites moi Amanda, croyez vous à tous ces mythes ou les étudiez-vous comme un scientifique le ferait pour ses expériences ?
- Vous savez ce qu’on dit ? Dans tous mythes il y a une part de réalité… C’est une erreur, je dirai plutôt que derrière toute réalité se cache un mythe. Le réel dissimule la vérité, le mythe la restaure.
- Alors l’eldorado, le jardin d’Eden, l’Atlantide et tant d’autres existeraient ?
- Si l’on en croit les faits, l’Atlantide aurait été une cité divine où les descendants de Poséidon vivaient en harmonie jusqu’à ce que le mélange des divins et des mortels entrainent la décadence des leurs et que le conseil des dieux conduit par Zeus décide de condamner cette impiété.
- Vous ne croyez pas à cette version ?
- Non, ça c’est la vision que Platon en a laissé au monde, une vision inspirée en partie de la cité Athénienne qu’il idolâtrait. Mais d’après mes études, Platon n’a pas inventé l’Atlantide, elle aurait existé bien avant lui, loin de la Grèce et de ces dieux. Pour le reste, je ne peux pas vous en dire plus, il y a longtemps que cette investigation est en suspens.
- Peut-être auriez vous du persévérez dans cette voie… Je suppose qu’une autre étude retient votre attention ?
- Avalon
- Avalon… Pourquoi ce choix ?
- Un… Une découverte au Pérou… Un shaman plus connu sous le nom de Veracoutcha vivait dans le lac de Titicaca, il amena Tounoupa à devenir Reine. Pour le remercier, la reine lui offrit une relique qu’elle avait eue comme héritage. Il s’agissait d’une épée enchantée, épée que Veracoutcha engloutit profondément sous l’eau…
- Quel est le rapport avec Ava… Cette épée serait l’Excalibur du roi Arthur ?!
- Quand la reine Tounoupa mourut, son fils Otouba vint réclamer l’épée. Il avait appris par le shaman le véritable pouvoir de l’épée, celui de conduire dans ce qu’ils appelaient « île lointaine ». Ces différents mythes utilisent les mêmes termes pour qualifier Avalon notamment cette idée étrange d’être « englouti ». En fait, il existe plusieurs épées mais une seule Avalon. Seulement j’ignore comment fonctionnent les épées. Faut-il toutes les trouver ? Une seule permet-elle d’accéder à Avalon ?
- Si comme vous le dites, les mythes sont similaires alors vous oubliez un détail Amanda… Comment le roi s’est-il emparé de l’épée ? D’après le mythe Anglais, Arthur reçu l’épée par la dame du lac et utilisa son pouvoir pour maintenir l’ordre dans son royaume. Ce que le mythe ne précise pas, c’est qu’au début de son règne, le roi se fit dérober l’épée par un scandinave du nom de Yörg. Le roi et ses chevaliers se lancèrent aux trousses du voleur, la poursuite les mena jusqu’à la contrée reculée de Cornouailles, dans des ruines antiques. Arthur et ses chevaliers trouvèrent tout un ensemble de pierres taillées et de technologie incroyable avec au milieu l’épée enfoncée dans un socle. Arthur aperçu un portail circulaire mystérieux… Quelque chose l’incita à retirer l’épée et à s’éloigner du mécanisme. Le récit ne dit pas pourquoi mais il précise que le système en place explosa.
- Je ne savais pas que vous étiez une experte de la table ronde… Le socle… Pourquoi n’y ais-je pas penser plus tôt… Comment savoir s’il s’agit bien d’un « socle relais » et non d’un simple socle ?
- Il y aurait cinq menhirs ornés de symboles disposés en cercle autour du socle sans oublier un triangle gravé sur le sol. Oh si vous saviez Amanda… Mon savoir pourrait fortement vous étonnez ! Et bien il semblerait qu’il soit l’heure… Au plaisir de vous revoir très chère…
Voyant l’aristocrate revenir, Natla avait mis les voiles en laissant la jeune femme réfléchir à ce qu’elles s’étaient dis.
Cette histoire aurait pu paraitre à bien des égards anecdotique si elle n’était pas aujourd’hui la base de son nouveau plan ! Dans un futur proche, l’humanité allait trembler…
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