La mort de Lara Croft à la fin de l'épisode précédent avait suscité quelques interrogations sur l'avenir de l'héroïne numéro un des jeux vidéos. Tomb Raider, sur les traces de Lara Croft n'apporte comme réponse que des questions supplémentaires.
Tomb Raider, Sur les traces de Lara Croft est une traduction très inadéquate du titre du cinquième volet des aventures de Miss Croft. Dernier épisode de la saga, Tomb Raider V ressasse nonchalamment les quatre aventures précédentes. Sur les traces de Tomb Raider serait un titre nettement plus approprié comme le laisse supposer le titre original " Tomb Raider Chronicles " pour Chroniques de Tomb Raider.
La première chose qui frappe lors du lancement du jeu, c'est la qualité des scènes vidéos. Réalisées avec beaucoup de soin, elles alternent des techniques professionnelles, en alternant savamment des jeux de caméras objectives et subjectives, des plongées et contre-plongées qui donnent vraiment l'impression d'avoir affaire, non plus à un jeu vidéo, mais à un véritable film interactif. C'est ainsi que la caméra se substitue souvent aux yeux d'un personnage présent permettant par là -même de dissocier ses peurs, son anxiété ou tout simplement sa prise assurance par rapport à la situation présente.
D'autres effets tout aussi remarquables sont à noter, effets de reflets, suivi d'un élément naturel (un cours d'eau) par la caméra, jeu d'éclairs (orage, ...) ou assimilations de formes. Ainsi, dans la deuxième scène vidéo, on peut entr'apercevoir la scène d'un opéra à travers son reflet dans des jumelles que l'on avait prise au début pour les deux tasses de thé visionnées quelques secondes auparavant. Une technique amusante, qui permet d'entrée de matière de perdre le joueur dans un aléa d'images qui se succèdent sans aucun point de repères.
L'un des principaux reproches fais à Tomb Raider, c'est la stupidité ou la complexité de son scénario. Si Tomb Raider, sur les traces de Lara Croft échappe à la seconde remarque, il plonge littéralement dans la première. Après la fin morbide de l'épisode précédent - Lara disparaissant sous les décombres d'une pyramide - il aurait été légitime de fournir quelques explications, permettant par là -même une suite logique aux aventures de La Belle. Il est en effet difficile d'imaginer un jeu sans son héroïne. Mais pourquoi s'arrêter à ce genre de détail ? Il suffisait de retourner dans le passé afin de résoudre le problème.
C'est ainsi que le jeu débute lors de l'enterrement de Lara Croft. Des éclairs illuminent le ciel et l'inscription mortuaire gravée sous la statue de pierre érigée à cette occasion : " Lara Croft, once and future adventurer " ; Lara Croft, aventurière d'aujourd'hui et de demain, inscription sans date, comme si sa vie ne connaissait, ni de début, ni de fin. Et pourtant...
Revenus à la demeure de Lara, Winston son majordome, le père Patrick et Jean-Yves échangent leur souvenirs, parlant des aventures de Lara, les vies qu'elle a sauvé, les artefact qu'elle a trouvé, les exploits qu'elle a réalisé et ceux qu'elle n'aurait pas dû faire. Chacun à leur tour vont raconter une histoire pour rendre un dernière hommage à leur amie disparue. Avouez qu'on ne pourrait faire pire comme scénario, d'autant que les concepteurs se ventent de " lever le voile sur l'histoire de l'aventurière et des autres personnages de la série ". Certes, certes. Reste que, comme révélations, tout ça reste un peu léger.
Voilà longtemps que Core nous promet quelque chose de radicalement différent, un jeu beaucoup plus intéressant, intelligent, etc... Comme à son habitude, le moteur du jeu est censé avoir changé, en réalité seuls quelques détails changent. Au programme, de nouveaux mouvements, comme la possibilité de jouer au funambule sur une corde ou encore celui de faire des pirouettes depuis une structure horizontale. L'interactivité à encore été amélioré : Lara ouvre portes et trappes d'un coup de pied, elle peut fouiller dans les armoires ou ouvrir un tiroir. Elle est également capable de composer une combinaison secrète depuis un clavier numérique, ou de lancer un grappin afin de s'en servir de corde.
Côté arme, la belle n'est pas beaucoup équipée. En sus des traditionnels fusil à pompe, pistolets, revolver avec visée laser et uzis, on retrouve également le desert eagle oublié avec Tomb Raider III. Un seule nouvelle arme est disponible : le H&K, semblable au M16 des épisodes précédents, mais équipé d'une visée laser (sniper) et d'un mode silencieux. Dans le dernier monde, Lara sera équipée d'un casque qui lui permettra de rester en contact avec son complice, resté à l'extérieur.
La (seule) grande innovation, c'est la séparation des histoires. Puisque cet épisode est composé de fragments de souvenirs, les quatre histoires qui le composent sont en tout point indépendantes. Toutes les munitions et armes récoltées dans un monde disparaîtront au suivant. Un découpage qui peut paraître hétéroclite, mais qui n'est pas totalement déplaisant.
Mais Tomb Raider reste Tomb Raider. Le but n'est ni plus ni moins que de courir, armes à la main en tuant tout ce qui se présente sous vos yeux. Un coté " action " instauré avec Tomb Raider II mais qui dénature le coté anthologique et bucolique du premier épisode. Les quatre mondes que nous visiterons sont inspirés des épisodes précédents. Ainsi, le première histoire nous transporte à Rome ou l'on se surprend à redécouvrir les textures d'Alexandrie (La Révélation Finale) et Venise (Tomb Raider II). Le second épisode, qui se déroule dans un bateau allemand en pleine mer de nord rappelle incontestablement l'Adriatique (Tomb Raider II) et le Detroit de Bering (The Golden Mask). Les deux derniers mondes, s'ils paraissent nettement plus originaux ne sont pas sans évoquer les niveaux de l'Ecosse (The Lost Artefact) ou de la zone 51 (Tomb Raider III).
Revisiter les lieux précédemment traversés n'est pas le seul manque d'originalité dont témoigne le jeu. Le moteur graphique, lequel n'a aucunement été révisé, fini par lasser. Les images restent magnifiques, mais le jeu reste très en deçà des jeux actuels. Sur les traces de Lara Croft avait de quoi émerveiller, ... il y a deux ans.
Ceci peut paraître aberrant ; mais à l'exception d'un patch pour Windows 2000, aucun fichier correctif n'est disponible pour ce dernier épisode. Signalons toutefois, que, concernant la version PC, l'autorun ne fonctionne pas correctement. En sus, la lettre "é", sans doute car elle n'existe pas en anglais ne "passe pas" dans les menus, ce qui donne lieu à de nombreuses erreurs de plume.
Au fil des épisodes, l'arsenal de Lara s'était diversifié. Entre les arbalètes et les lance-roquettes, il était devenu complément inepte et certains n'avaient pas hésité à comparer Tomb Raider aux Kill'en up du genre Doom ou Quake. Mais Tomb Raider V, bien heureusement est innovant sur ce point. D'une part, dans les niveaux Irlandais, Lara est démunie de toutes armes. Puisque c'est une Lara adolescente que nous devions ici manier, il aurait été en effet très incorrect de lui confier des armes. C'est par sa seule intelligence qu'elle devra s'en sortir, et si cela risque de ne pas rassurer certains, ce n'est pas plus mal. C'est l'occasion de donner plus d'interactions aux éléments du décors (cages, torches enflammées, ...)
D'autre part, Lara devra bien souvent abandonner ses armes, soit parce qu'elles sont inefficaces, soit qu'elle ne peut les utiliser. Un phénomène que Core-Design a qualifié de " mode discrétion ". Dans ce cas, Lara devra se débrouiller autrement, en assommant ses ennemis avec une barre de fer ou en utilisant du chloroforme... ou tout simplement en essayant de ne pas de faire remarquer. Sur les traces de Lara Croft est donc un jeu incontestablement plus intelligent que les précédents. Cet aspect se vérifie principalement dans le niveau de la tour. Ici il ne s'agit plus de tuer tout ce qui bouge comme la zone 51 de Tomb Raider III mais au contraire, de déjouer des systèmes de sécurité, d'espionner les gardes afin de découvrir les codes secrets qui ouvrent les portes. Pour la première fois, les ennemis ont un autre rôle que celui d'un simple expédient, dont le seul but serait de tuer ou accessoirement, de se faire tuer.
Dire que Tomb Raider V est un jeu plus " soft " que les autres serait toutefois délicat. Certes, le nombre de morts est moins élevé qu'au cours des épisodes précédents. Ils n'empêchent que certains doivent être éliminés, et pour cela, la bonne technique du coup de poing n'est pas toujours possible.
Ainsi, dans le monde de la Tour, Lara doit tuer les gardes en visant principalement leur tête ; une technique qui peut choquer quand on sait, que les gardes s'ils sont hostiles ne sont que de simples vigiles qui font leur boulot. Transformer un étage entier en hécatombe après avoir repeint les murs de cervelle fraîche peut paraître un peu ragoûtant, même si les graphistes nous ont épargnés le dernier point (les ennemis disparaissent après avoir été tués). D'autres points sont à noter, tels que le petit monstre marin que Lara laissera dévorer par une horde de diables affamés ou le cyborg qu'elle verra mourir asphyxiés après qu'elle l'ait tranquillement gazé.
Les scènes vidéos ne nous épargnent guère non plus. Les ennemis de Miss Croft finiront dévorés par des monstres à trois têtes ou précipités au fond d'un ravin après qu'elle leur ait refusé une main pour venir les aider.
Malgré une relative lassitude, Tomb Raider peut encore nous étonner. Pour ce dernier épisode, les programmeurs ont laissés libre cours à leur imagination, comme un clin d'œil à plusieurs aspects de la culture cinématographique.
Tout d'abord, Sur les traces de Lara Croft nous entraîne dans un monde triste, orageux, glauque, peuplé de créatures démoniaques et d'esprits tourmentés (les niveaux de l'Irlande par exemple). Si les fantômes ont toujours été omniprésents dans la culture des jeux vidéos, l'univers de Tomb Raider, malgré son coté surréaliste, ne les avait jamais évoqué. A l'aspect fantomatique on peut ajouter un coté James Bond, avec dans le dernier monde (La Tour) la traversée d'une cage d'ascenseurs, ou la rencontre d'éléments insolites (rayons X, téléporteur) qui ne sont pas sans rappeler " piège de cristal ". Moment fort du jeu, les câbles d'un monte-charge lâcheront lorsque Lara sera à l'intérieur... Un aspect plus militaire, plus " commando " se détache dans les milieux sous-marins ou Lara doit faire face à la mafia et s'évader d'un navire en train de couler, instants qui ne sont pas sans rappeler le drame du Titanic.
Cueillir des roses...
Les " secrets " seront désormais des roses. 36 fleurs de ce genre sont donc cachées au long du jeu. Elles sont totalement inutiles en soi, à l'exception de la satisfaction morale que vous pourrez tirer de leur possession. Toutefois, ceux qui auront déniché les 36 roses auront droit à un bonus... Un petit extrait du film pour la version Playstation/Dreamcast et quelques images de The Next Generation pour PC.
Et pourtant, Tomb Raider, sur les traces de Lara Croft laisse un goût acide. Trop d'aventures, trop d'histoires pour un jeu terriblement court que l'on fini aisément en quelques heures. Un jeu beaucoup trop facile qui ne parvient plus à gérer tous les mouvements de notre héroïne et qui fini donc pas les oublier. Quant aux quelques innovations, elles ne sont pas suffisamment réitérées pour changer la donne, et finalement, on se surprend à s'ennuyer.
Pour la version PC, un éditeur de niveaux est fourni sur un second cédérom, dont la présence explique sûrement le rétrécissement de la boite du jeu. Il s'agit d'une version allégée de l'éditeur utilisé par Core-Design pour créer les niveaux de La Révélation Finale. Cet éditeur, non traduit devrait permettre aux plus acharnés d'entre nous de créer quelques niveaux supplémentaires, compensant ainsi la réduction de la durée de vie du jeu. Finalement, c'est un peu comme si un entrepreneur de travaux vous offrait un marteau pour compenser l'oubli de la construction d'une pièce dans votre logement !? Un tutoriel de 120 pages et disponible en français, au format Acrobat.
Tomb Raider, du moins sous cette forme, c'est bel et bien fini. Ce dernier épisode est le der des der, comme le prouve la présence de l'éditeur de niveaux jusque là jalousement gardé par son propriétaire. Chaque Tomb Raider a une histoire ; le premier est un challenge personnel, le second médiatique, le troisième , c'est la quantité qui prime sur la qualité ; le quatrième, c'est le retour aux sources et le cinquième, c'est le bouche-trou, le tremplin bâclé entre les épisodes qui précédent et la nouvelle génération à venir. "Once and future Tomb Raider", Tomb Raider d'aujourd'hui et de demain pourrait-on dire.